Critique - Jeune Public - Huy
L'étrange intérieur
Ouverture grâce à l'imaginaire
Par Michel VOITURIER

Elle est jeune. Il est plus âgé. Elle est noire, il est blanc. Tous deux dansent avec entrain et disent avec verve l’histoire d’un enfant transparent. Comme le poète Henri Michaux qui écrivait : "Je suis né troué".
Muel est donc transparent. Pourquoi ? Simplement parce que sa maman passe la majeure partie de son temps, de jour comme de nuit, à travailler pour avoir le minimum : nourriture et logement. Elle n’a pas le temps de s’occuper de lui. Elle lui a expliqué que son absence est motivée par celui qui l’emploie : un chat de Charleroi. Si bien qu’un jour, Muel, l’invisible gamin, décide de fuguer jusqu’à la ville pour rencontrer celui qui accapare sa mère.
Cette histoire, évidemment très imaginaire dans sa narration est cependant très réaliste dans la vie courante. Elle pose la question essentielle du regard que les gens jettent ou pas sur les autres, de l’attention que les adultes accordent ou pas à leurs rejetons.
Une forme multiforme
La forme adoptée pour la mettre en scène est riche en procédés créatifs de tous ordres. D’abord les danses qu’Aminata Abdoulaye Hama et Gordon Wilson interprètent avec brio, notamment dans le style samba endiablée, dynamisent le propos grâce à un remarquable travail corporel qui sous-tend tous les gestes, actions, mimiques du spectacle
Ensuite, vient le grand plaisir de jouer avec les mots. Entre autre, la recherche d’allitérations aussi rythmées que les chorégraphies. Mais en plus ces transpositions qui introduisent des « chat » lorsqu’on attendait des « ça » mettent donc des félidés au cœur des phrases tels qu’ils sont déjà au cœur de l’intrigue.
Les dialogues eux-mêmes ne sont pas en reste dans leur variété de communication. Narration bien sûr, répliques croisées, phrases commencées par l’une et terminées par l’autre, répétitions en échos, tant et si bien que la parole est traitée comme un chant. La langue apparaît ici essentielle pour établir des contacts avec autrui et le comprendre.
Les trouvailles scéniques abondent. Les plus spectaculaires étant celles des coussins qui représentent les participants au congrès cosmopolite pour la paix dans le monde. N’oublions pas les accessoires inventivement utilisés pour créer des climats, se déguiser, signaler un transfert scénique susceptible d’éclairer le sens du jeu théâtral. Ainsi de ce gant de caoutchouc jaune de cuisine, apanage de la mère laborieuse incarnée alternativement par la jeune comédienne et par l’acteur chevronné.
Car c’est bien de théâtre dont il est question. De théâtre engagé même. Un théâtre capable au surplus de soutenir l’imaginaire, de le nourrir, de rendre actif le spectateur face à ce qui lui est montré. Un régal, une chatterie !
Source : www.ruedutheatre.eu Suivez-nous sur twitter : @ruedutheatre et facebook : facebook.com/ruedutheatre