Critique - Jeune Public - Avignon Off
Suzette project
Suffragette de la modernité
Par Michel VOITURIER
C’est relativement courant maintenant d’avoir deux mères ou deux pères lorsque les divorces et les remariages se recoupent par l’intermédiaire de la garde alternée des rejetons. C’est surtout le cas si les conjoints sont deux femmes ou deux hommes.
Ces situations provoquent parfois en milieu scolaire des attitudes négatives d’autres écoliers ou lycéens élevés dans des milieux attachés aux traditions anciennes. Ces frictions suscitent des blessures psychologiques surtout lorsqu’elles quittent le domaine de l’anodin pour se muer en réprobations acerbes, violences verbales ou physiques, jugements à prétentions moralisatrices.
La dynamique comédie de Laurence Pardoen s’attaque à cette problématique par le biais de l’humour. Suzanne, gamine parmi d’autres, vit avec une maman et une mamoune. Elle est vive, imaginative, créative, é-pa-nou-ie.
Sa meilleure amie, persuadée que le gamin dont elle est éprise est fasciné par sa copine Suzane, lui déchire le poème écrit à l’occasion de la fête des mères à l’intention de ses deux mamans avec un S, en l’accusant de vouloir se rendre intéressante. Cette rupture d’amitié et cette attaque brutale contre l’harmonie familiale incitent la fillette à enquêter autour d’elle.
Elle aura vite compris qu’elle n’est pas unique en son genre. Qu’il existe même d’autres cas où on a une double maman : lorsque le père, veuf, se remarie : cela aboutit à la situation d’avoir une maman « évaporée dans le ciel » et une amoureuse du papa sur terre. Elle lance dès lors sur le net l’idée d’un rassemblement de condisciples afin de manifester en vue d’intégrer le vocable « mamoune » dans le dictionnaire.
Ce spectacle aux costumes polychromes - mais dont le titre est hélas en anglais - offre un jeu théâtral astucieux au cours duquel, par exemple, un trampoline devient lit familial, cabane à Suzanne, écran de projection vidéo. Ce dernier propose d’authentiques interviews d’enfants exprimant leurs sentiments sur les mariés, divorcés, pacsés, cohabitants ou non… De quoi remettre à l’heure les horloges déréglées.