Critique - Théâtre - Paris
Sous ma peau - Le Manège du désir
Le meilleur c’est l’abandon
Par Jennifer MAYEUR
Grisélidis Réal, 75 ans, est une ancienne prostituée. Elle continue de voir ses amours gâchés par des « gâteries qui gâtent tout ». Son histoire va avoir beaucoup d’incidence sur Charlotte qui n’a plus d’envies et recherche à comprendre et à les retrouver. En proie à une immense remise en question sur elle, sur sa sexualité, celle des autres, sur les rapports humains, elle va à la rencontre de témoignages. Celui d’une femme mariée qui ne veut plus toucher son mari et ne fait que « rendre des services sexuels », celui d’une acrobate vierge qui va vivre une première relation désastreuse, celui d’un homme qui fréquente des clubs échangistes ou d’une femme qui rêve que son homme la trompe avec une autre…
Des personnages avec chacun leur histoire et leur vision sur le sexe défilent au travers de masques et marionnettes qui prennent vie dans les bras de la comédienne seule sur scène. Femme et comédienne d’expérience, poétique, drôle et sensible, Geneviève de Kermabon nous emporte pendant une heure dans le désir charnel et la féminité. Loin de la vulgarité, elle vulgarise le désir de l’homme et de la femme dans une justesse parfaite.
L’amour beau et effrayant vient se heurter au sexe, tantôt barrière, tantôt moteur de passion. Pour l’une, l’acte physique apparaît comme un harcèlement et une consommation de son corps, l’autre comme sa seule façon d’exister, le désir suprême et l’envie d’entrer dans la peau de l’autre. Dans une tempête d’émotions, un mélange d’anecdotes bien organisé, Sous ma peau est un discours schizophrénique de femmes sensuelles et d’autres qui ne parviennent pas à aller au-delà de leurs complexes féminins ni à satisfaire l’envie de leur homme.
Cette pièce nous ouvre la porte sur l’intimité de personnalités illustrées par des masques et marionnettes, incarnations de ces femmes, et barrières derrières lesquelles elles se réfugient pour crier leur désespoir. Des récits dont on aime se délecter tant ils sont proches de la réalité, et de nous.