Cette comédie – car c’en est une – a résolument pris le parti de l’humour. Son écriture, Marie Henry l’a rendue scénique en refusant de s’enferrer dans une étude psychologique, en ne versant pas dans la docu-fiction. Mais elle s’est tout autant gardée de sombrer dans un boulevard farcesque et gaudriolesque. Cette comédie donc, Clément Thirion la traite à travers une sorte de mise en abyme permanente.
Une fiction affichée
Nous sommes bel et bien au théâtre. Les comédiens ne sont pas les personnages même s’ils composent leur présence en jouant. Ils seront d’ailleurs, par moments, les commentateurs de ce qui se passe sur le plateau, prenant de la sorte des distances notables avec tout ce qui susciterait d’autres émotions que le rire. De son côté, Norman, le ‘rose garçon’, est muet : il préfère s’exprimer par de la danse ou en se mettant de temps à autre à l’écart, en attente de la fin des hostilités entre les adultes.
Ce spectacle devient une espièglerie subtile. Afin d’accentuer la perception par le public qu’il s’agit d’une fiction et par conséquent un jeu de faire semblant, les acteurs prendront la peine de décrire les lieux spécifiques de l’histoire car, en dehors d’un fond blanc et d’un minimum d’accessoires mobiliers, il n’y a pas de décor. De même, les didascalies (ces phrases inconnues du public où l’auteur indique comment il faut jouer) sont-elles énoncées en guise de renseignements complémentaires à destination de la salle. Ces procédés sont les garants d’une représentation désaccordée des codes habituels du théâtre qui verse dans l’humour le plus caustique qui soit.
Une fable sans moralisation
L’auteur mise sur l’écriture. La langue est travaillée en vue de montrer la difficulté de communication. Chaque protagoniste a son langage et ce n’est pas uniquement dans le vocabulaire. Ainsi, par exemple, une des femmes, va jusqu’à épeler les mots comme s’ils ne pouvaient pas se comprendre autrement ; ainsi, parfois les phrases se répètent-elles comme si elles revenaient en écho vers les interlocuteurs ou le public. De plus, puisque le travail corporel est constant, il arrive que des moments fascinants occupent l’espace du plateau pour combiner un synchronisme percutant entre oralité et mouvement.
L’objectif de cette réalisation est exactement de mettre le spectateur en position de réfléchir sur l’intérêt qu’il y a être fidèle à des codes au point de ne pas s’apercevoir qu’ils peuvent devenir des clichés, de mener à des réactions de jugements hâtifs. Ce qui, dans le courant de la vie ordinaire, mène à des rejets, des exclusives, des appréhensions obsessionnelles.
Nous voici dès lors dans le cœur de la thématique choisie. Pourquoi le rose pour les filles, le bleu pour les garçons ? Pourquoi les robes et les falbalas pour le sexe féminin, les pantalons et les cravates pour le sexe masculin ? Du coup, pourquoi, lorsque ces stéréotypes sont bousculés, les avis s’emballent vers des soupçons d’homosexualité, de marginalité douteuse, de subversion sociétale, de décadence ?
Source : www.ruedutheatre.eu Suivez-nous sur twitter : @ruedutheatre et facebook : facebook.com/ruedutheatre