Critique - Jeune Public - Huy
Le Petit théâtre de Hannah Arendt
Les actes de la parole exprimée
Par Michel VOITURIER
C’est une façon pour l’Agora Théâtre de renouer avec son origine. Il vient, en effet, nous remémorer l’importance de l’espace qui jadis, chez les Grecs, était celui dédié à la liberté publique de parole : l’agora.
Il utilise pour cela une fiction de Marion Muller-Colard ayant imaginé la rencontre entre la philosophe juive Hannah Arendt en fin de vie et son double à l’âge d’être écolière. Interpellée par cette cadette éponyme à propos de son travail sur les mots, l’essayiste l’emmenera au théâtre afin qu’elle fasse connaissance avec Aristote et les penseurs d’autrefois qui ont influencé sa démarche intellectuelle.
La fable adjointe à cet aperçu historique confronte un renard qui préfère se réfugier dans son terrier par peur du loup plutôt que de l’affronter afin de le chasser. La métaphore des loups, en ces temps de résurgence des doctrines d’extrême-droite, est évidente, comme elle le fut à l’époque des persécutions nazies dont la famille d’Arendt fut victime. C’est la même que dans la chanson de Vidalie qu’interprétait Serge Reggiani.
C’est l’occasion pour la troupe de mettre en scène des effets saisissants avec des masques troublants de loups mythiques. Ce sont des apparitions en meute autant qu’en solitaires qui profitent de la mobilité de la scénographie dans laquelle des panneaux translucides mobiles modèlent l’espace avec une efficace fluidité.
C’est d’ailleurs ce qui caractérise la mise en scène d’Ania Michaelis. Elle a donné à ce texte dense une légèreté de comédie où le mouvement nourrit les rythmes des séquences. Y alternent des moments parodiques, dramatiques, dialogués, chantés dont la variété éclaire sous plusieurs aspects la nécessité et la vitalité d’une parole au service de la collectivité.
Fidèle à sa pratique, la troupe s’investit dans la conviction. La sobriété est de mise tant dans la rigueur du décor que des costumes à l’impeccable coupe, dans la stylisation des masques esthétiquement fascinants, dans l’occupation décontractée de l’espace. Il est ici question de s’approprier la parole librement sur une agora d'où les loups sont bannis comme dans la Grèce antique, en vue de la transformer en action, de montrer que l’engagement à travers les mots se doit d’être moteur des actes.
Source : www.ruedutheatre.eu Suivez-nous sur twitter : @ruedutheatre et facebook : facebook.com/ruedutheatre