Critique - Théâtre - Bruxelles (Saint-Gilles)
Funéraillles d'hiver
Du macabre marrant !
Par Suzane VANINA
On connait (un peu) Hanokh Levin* et sa vision cruelle de la société qui l'entoure, et l'on sait qu'il n'est pas facile d'aborder avec justesse son humour particulier, qu'on l'appelle "grotesque, décalé, décapant, absurde"...
Dès l'entrée d'une sorte de chorale-fanfare, le ton est donné par la musique de Lee Maddeford et Muriel Legrand et les instruments employés, mais c'est l'équipe entière qui est au diapason donné par la direction d'acteurs tout à fait appropriée du metteur en scène Michael Delaunoy, dans une chorégraphie de Clément Thirion et la scénographie minimaliste de Didier Payen qui stimule l'imagination et l'acceptation des lieux et circonstances les plus divers et décalés....
Cela donne, en résumé et en chiffres : 12 comédien/ne/s, 2 familles, un enjeu (1 enterrement ou 1 mariage), 400 invités et 800 poulets rôtis. Mais essentiellement une Super Course-poursuite menée dans un rythme endiablé pour échapper à l'un des deux rites - incongru vu l'importance de l'autre - : l'enterrement hivernal !
Le mariage adviendra bien grâce surtout à la pugnacité obsessionnelle des mères dirigeantes. Mais il décevra, à l'image des autres personnages, des fantoches: jeunes mariés falots, maris soumis, fils orphelin éploré... perdu dans une noce qui lui aura pourtant donné une dernière chance grâce à la jolie Pshoshitsia/Laurence Maître...
"Mourir passe encore, mais pourquoi la veille du mariage de Vélvétsia ?"
C'est le décès, dans une nuit d'hiver, d'une vieille dame qui laisse son fils unique Latchek Bobitchek/Robert Bouvier (une sorte de Tanguy) en charge d'organiser dignement son enterrement, lequel sera le début d'une cavalcade dansante et musicale rappelant celles des vaudevilles à la Feydeau & Labiche... en plus "hénaurme"!
Latchek Bobitchek doit prévenir du décès la famille de sa cousine Shratzia/Muriel Legrand. Les funérailles sont fixées au lendemain, le jour même où doivent se dérouler les festivités du mariage de Vélvétsia/Jeanne Dailler, la fille de Shratzia et de son mari Rashèss/Frank Arnaudon, avec Popotshenko/Fabian Dorsimont, dont les parents Tsitskéva/Catherine Salée et Baragontsélé/Thierry Romanens, sont présents dans la maison où, en pleine nuit, va frapper, et frapper en vain, un Latchek Bobitchek bien décidé à les atteindre coûte que coûte ! Il trouvera un allié tenace quoique peu efficace chez ce voisin qui se dit "Professeur", Kipernaï/Pierre Aucaigne.
Tout ce petit monde qui ne veut rien entendre - surtout pas d'"annonce officielle de la mort"! - sera embarqué dans un grand voyage épique, depuis les plages venteuses de Tel-Aviv jusqu'aux neiges de l'Himalaya. Ils y croiseront un duo de joggeurs: Lishtenstein/Lee Maddeford et Rosenzweig/Philippe Vauchel, Shahmandrina, un sage boudhiste (on croit reconnaître Pierre Aucaigne)...
Et c'est la Mort personnifiée par Angel Samuelov/Frank Michaux qui officie et dirige le sort de certains car il semble préférer les êtres mâles: les pâles maris dont la disparition passera inaperçue... ou ce joggeur qui le défiait avec sa propagande pour le jeunisme !
L'amour comme la mort sont désacralisés, dédramatisés, l'âme n'est rien d'autre qu'une flatulence exhalée du corps mourant et les défunts s'en vont former un joyeux petit orchestre.
"Quand on ne veut pas avoir d'ennuis, on n'ouvre pas sa porte", une réplique des années 70 qui sonne étrangement de nos jours...
Source : www.ruedutheatre.eu Suivez-nous sur twitter : @ruedutheatre et facebook : facebook.com/ruedutheatre