Critique - Théâtre - Villeneuve d'Ascq (Lille)
Seul [søl]
Solitaire seul en scène
Par Michel VOITURIER
Partant de la transcription écrite de la phonétique, il commence par disserter sur la similitude scripturale entre seul et sol [søl]. Il va dès lors se glisser entre sol et ciel, s’y adonner à une exploration de mémoire.
Il va se promener dans son enfance à Isbergues, y revoir son frère adopté migrant du Vietnam au temps de la guerre mort dans un accident, esquisser le déclin économique du coin, revoir un copain de classe ayant viré du côté du FN, décrire la découverte du Tchad et du Maroc et un paysan du Nord parti s’installer là-bas. Les remous du monde s’installent dans son discours. Il passe de Mitterrand à Sarkozy avant un crochet du côté de Napoléon.
Il s’attarde finalement sur la notion et la réalité du sol. Un mot terre à terre qui lui donne envie de solaire. De quoi s’inspirer de ce qui est visible, de ce sur quoi on marche mais également ce qui s’étend en dessous, dans le sous-sol. Il raconte avec bonhomie, avec simplicité même si le jeu langagier est parfois un peu tiré par les syllabes. Celles-ci parfois moins audibles lorsque l’orateur, afin de mieux pénétrer dans l'intime, baisse la voix sans affirmer davantage sa diction.
Au cœur de cette solitude étirée, où nostalgie et réflexion s’entremêlent, Thomas Suel nous construit une géographie personnelle. Avec du sable conservé dans des sacs plastiques, il répand sur le sol un sol de décor. Il trace une dune, une coulée de terrain, un morceau de territoire. On l’imagine jouant avec de petites figurines auxquelles il donnerait sa parole.
Cela demeure un exercice plaisant. Quelquefois confus. Quelquefois touchant. De l’ordre d’une conversation avec un ami, une après-midi, avant de repartir chez soi. Conservant l’une ou l’autre anecdote en souvenir. Rien qui marque vraiment, qui amène à penser. Un moment passé en solitaire à entendre un autre semblable à soi. Et puis voilà…