Ce n’est même pas un fait divers. Rien qu’une parcelle d’un quotidien très ordinaire. Et pourtant, Daniela Ginevro le transforme en une représentation d’une efficacité scénique indéniable sans se cantonner dans un réalisme de la banalité.
D’abord grâce à son texte fractionné, qui ne s’embarrasse pas de littérature mais vise au plus juste. Il use autant du dialogue que du monologue ou du soliloque. Il permet à Lisa de passer de son rôle d’écolière à celui de narratrice, voire de commentatrice. Les mots sont complétés par d’autres langages théâtraux comme le mime, la danse, le chant, la gestuelle, l’occupation mobile de l’espace. En découle un traitement du temps et de l’espace qui se sert des spécificités du théâtre quand il parle à l’imagination de son public.
Une demi-douzaine de panneaux dispersés sur le plateau, agrémentés d’un réseau vertical de fils tendus. Ils permettent, selon les éclairages, de recevoir des projections vidéo, d’observer les protagonistes à travers une certaine translucidité, de signifier des lieux aussi divers qu’un appartement, un supermarché, l’intérieur d’une voiture, un commissariat de police, une garderie enfantine, un bureau de directrice d’école, etc. Dans la mesure où il est aisé de les traverser, façon passe-muraille, la succession des séquences y trouve une fluidité permanente.
Mine de n’y pas toucher, la pièce aborde quantité de thèmes très contemporains. Celui de la solitude constitue le sujet principal. Celle liée au travail plus ou moins précaire de caissière, du policier qui doit prendre des décisions pas toujours évidentes, de la monoparentalité lorsqu’elle est confrontée à se partager entre boulot et marmots. Celle des enfants laissés parfois à eux-mêmes. Celle de la grande ville où le temps des personnes actives est sans cesse compté, où celui des personnes vieillissantes est délaissé.
En arrière plan se profilent la complexité des relations entre parents et rejetons, la confrontation entre rêves de jeunesse et déception d’âge mûr, le poids de paroles dites mais aussi non-dites, la nécessité de trouver des moments pour vivre sa vie… Bref, cet incident presque banal d’une gamine qui se sent abandonnée parce que sa mère bien malgré elle n’a pas réussi à être à l’heure pour la reprendre après l’école s’avère d’une richesse thématique aussi grande que celle d’une mise en scène dynamique, d’un trio de comédiens énergiques.