La partie essentielle du décor est une portion d’habitation qui prend des allures de maquette sous verre comme on en voit dans les boutiques de souvenirs pour touristes et semblent réduire la réalité à deux dimensions. Un bric à brac d’objets suspendus sur un mur tapissé témoigne d’une existence jalonnée de traces dérisoires.
Au-delà se trouve la chambre, espace moins étriqué où on accède par une porte et dans laquelle trôneront un fauteuil et l’accessoire principal : un lit médicalisé. L’éclairage met subtilement en valeur la différence de volume et d’atmosphère propre à chaque lieu. En fond sonore, discret mais quasi permanent, une radio qui égrène des pubs désuètes devenues plutôt ridicules, des allusions à des émissions célèbres en leur temps, des voix familières comme celle du général De Gaulle.
À mi-chemin de la farce et de la tristesse
À partir du postulat que la vie d’un humain est une ligne qui part du point A, la naissance, pour aboutir au point B, la mort, Marie Clavaguera-Pratx nous invite à assister à quelques séquences inscrites dans le passé et le présent. L’originalité du projet tient avant tout dans le fait que l’homme qui s’achemine vers sa fin est incarné par Vincent Clavaguera, danseur muet (sauf in fine, ce qui n’était sans doute ni indispensable, ni cohérent).
L’épouse (Géraldine Roguez), toute en corps cassé et voix retentissante, un peu dépassée par les événements semble se raccrocher à l’écoute de son poste radiophonique, à l’éphémère des nouvelles et des objets à consommer. Les deux autres comédiens (Chloé André et David Scattolin) apparaissent, disparaissent et réapparaissent en protagonistes très typés, voire caricaturaux. L'une sera alternativement une infirmière alias la Véronique du saint suaire et l’épouse d’un neveu ; l'autre, un voisin ami alias Simon de Cyrène et le neveu du vieux couple.
Pour chacun, l’engagement physique est gage de composition réussie. Avec par moments quelques outrances puisant trop du côté de la farce paysanne avec accent local prononcé. Sinon, chacun a incarné au mieux des personnes dont la présence permettait de découvrir des facettes humaines, des bribes de vécu apparues derrière les mots, sous les gestes. Chacun, y compris l’agonisant, ont mis au jour de formidables élans vitaux tournés vers le désir d’être au monde, d’y avoir place jusqu’au moment où il ne reste plus qu’à accepter que la fin vienne clore inéluctablement ce qui est chair, matière et qui fut aussi esprit.