À 10h00 (du matin), la pénombre de la salle de théâtre qu’abrite le MAIF Social Club est soudain traversée par la lampe-torche d’un smartphone. Un halo diaphane, froid que Nicolas porte avec lui. Contrôle de police. On lui demande ses papiers d’identité. Une entrée en matière in medias res. L’identité… Voilà ce que le conteur interroge dans Mes ancêtres, les Gaulois. Une pièce doublement historique : l’histoire intime d’un côté, celle de sa propre famille ; et la grande histoire de l’autre, celle de la France. Qui est-on vraiment quand on est Français ? D’où vient-on ? Qui sont nos ancêtres ? Quelles ont été leurs vies ? Leurs secrets ? Et leurs mensonges ?
Voyage dans le temps
Tel un enquêteur chevronné, Nicolas Bonneau est allé recueillir des éléments de réponse au sein des membres de la famille Bonneau. En remontant jusqu’à son arrière arrière-grand-père, Pierre Bonneau, un villageois patoisan. De lui, il ne sait pas grand-chose si ce n’est détenir une archive nationale précieuse : le Petit Lavisse, manuel illustré de l’histoire de France. Le roman par excellence de la France ! Nicolas Bonneau en sait davantage sur Ernest, son arrière-grand-père, mort pour la France au cours de la première guerre mondiale. Encore plus sur Simone et les cinq enfants qu'elle a eus de quatre géniteurs différents. Une femme d’un courage infini qui travaillait tous les jours dans un café, véritable « tribunal de l’opinion publique », et qui a su résister, à sa façon, à la montée en puissance du partie de l’UDCA (Union de Défense des Commerçants et des Artistes), l’ancêtre de l’extrême droite.
Nicolas Bonneau glisse ensuite sur la crise pétrolière des années 1970 et sur l’histoire de son père, que l’amiante a emporté. Puis sur la sienne : les petits métiers au Puy du Fou pour tracer son sillon de comédien, à l’époque d’une France black, blanc, beurre, finalement rattrapée par la peur de l’étranger : au second tour des élections présidentielles, Le Pen. Son récit s’achève sur la possibilité d’un monde meilleur, avec Ulysse. Le grand voyageur, l’homme aux multiples identités, le vagabond. Le prénom de son fils aussi, qui lui-même rêve de bâteaux pour aller à la rencontre de l’autre, au-delà de toute frontière. Comme si la réponse à l’identité était finalement la transidentité.

Récit des mots et des images
Durant cette heure qui passe à vive allure, Nicolas Bonneau nous fait traverser terres et mers, époques et temps. Avec des compagnons qui amplifient la force visuelle de son récit. Sa prose d’abord, toujours très incarnée. Puis, une table d’écolier qui cache plusieurs objets d’époque, un balais qui sert tour à tour de micro institutionnel et d’arme brandi. Ainsi qu’un écran sur lequel il projette tout une série d’images qui rythment astucieusement la pièce : tableau historique de Vercingétorix qui se rend à César, citations pleines de vérités qui clôturent les épisodes de la pièce, arbre généalogique, etc.
Sans oublier la suave Alesia, enceinte qui diffuse une douce lumière rouge au gré de ses interventions algorithmiques, précises et désincarnées. Centrale, cette partenaire chante, répond, interagit, projette, et se vexe aussi. Derrière cette présence-absence, on reconnaît la virtuosité vocale de Fanny Chériaux, indispensable partenaire de route de Nicolas Bonneau. Autre présence-absence : la plume de Nicolas Marjault, co-auteur de la grande histoire qui traverse cette pièce.
Avec Mes ancêtres, les Gaulois, Nicolas Bonneau nous offre un acte émouvant de bravoure qui dit tout le respect que l’on doit à nos ancêtres, démiurges de la petite autant que de la grande histoire.