Il y a de la démesure dans cette histoire bourrée d’autres histoires, elles-mêmes enchâssées les unes dans les autres. Leur origine légendaire aurait été le stratagème conçu par Shéhérazade, femme d’un sultan sanguinaire qui, pour ne pas être trompé par son épouse, décapite chaque matin la mariée avec qui il a passé la nuit. Afin d’échapper à la mort, la jeune femme invente des histoires qui s’arrêtent à l’aube sur un suspense raconté le soir suivant.
Les nombreux comédien(ne)s sont sollicités dans de multiples rôles. Ils les incarnent tous avec une diction impeccable, un travail corporel minutieux, dynamique, généreux. Vêtus ou nus, ils imposent des présences éclectiques avec une même énergie. Ils parlent, chantent, dansent, changeant de costumes aussi souvent que dans les revues de cabaret à la parisienne, plumes en moins.
Le décor est pompeux. Il se propose même une touche de mise en abyme en s’offrant comme scène de théâtre au sein du théâtre lui-même. Mais il est aussi pesant, chargé. Il accumule des signes disparates. Il impose son architecture plus qu’il ne stimule l’imaginaire. Il apporte un orientalisme mitigé et n’offre vraiment d’allusion claire au présent que quelques sièges en plastique bleus de salle de spectacle ou d’attente.
Guillaume Vincent a voulu mêler Orient et Occident, entrelacer des lieux et des époques dissemblables, utiliser les contes originels et en ajouter de nouveaux. Mettre en coexistence personnages fictifs et figure réelle comme la chanteuse Oum Khaltoum, symbole d’émancipation féminine. Intercaler narration et action. Le rappel du merveilleux s’abîme contre la présence de kalachnikov. D’où un embrouillamini entre la forme et le propos. Tout se panache et s’amalgame, surtout dans la première partie. Au point qu’il devient difficile de s’y retrouver tant cela devient labyrinthique.
Par bonheur il y a quelques moments de grâce comme la séquence érotico-poétique des trois hôtesses et du portefaix où les femmes montrent leur pouvoir sur la rudesse fruste des mâles. Il y a de belles images plus ou moins fugaces. Il y a des chants qui envoûtent. Des mouvements d’ensemble réglés façon ‘nage synchronisée’. La seconde partie, plus verbale s’étiole. Reste la voix de la chanteuse qui berce les paroles disséminées avec luminosité.
Beaucoup de moyens donc pour un résultat mitigé. Comme si, à vouloir trop dire, trop signifier, trop accumuler, trop combiner, les intentions du metteur en scène s’éparpillaient au fil de la représentation, se diluaient au milieu des apparences, oubliaient le plaisir du théâtre au profit du paraître plus ou moins ostentatoire.
