Critique - Jeune Public - Ath
H@rcèlement
Le rhizome du rejet à travers les réseaux sociaux
Par Michel VOITURIER
La trame de cette histoire est similaire, hélas !, à celle de trop de jeunes. Le spectacle met l’accent sur le processus qui mène de l’amitié à la jalousie puis à l’agression. Les besoins de reconnaissance, de tendresse, d’amour se dévoient en domination de l’ego de ceux qui n’en n’ont pas assez contre ceux qui semblent en avoir. Les camaraderies un peu fragiles, les premiers amours balbutiants ne résistent pas aux coups portés.
Tout devient immédiatement public à travers les réseaux sociaux qui diffusent dans l’immédiat des propos et des images hâtifs, dénués de nuances, reçus au premier degré de l’émotif, répercutés et amplifiés tous azimuts sans la moindre réflexion. Toujours, une rumeur a tôt fait de se transformer en réalité virtuelle et les moyens de propagation informatique l’accélèrent. L’effet de clans qui réunit des petits groupes de partisans ou d’adversaires cautionne les dérives, active les affrontements. Et on sait combien il est dramatique, déstabilisant de se retrouver seul(e) face à une meute.
La représentation ajoute l’impuissance, le manque de clairvoyance, la méconnaissance des entourages institutionnels que sont famille et personnel scolaire. Elle illustre cette descente vers le risque létal d’un désarroi tourné petit à petit vers des attitudes de kamikaze en projetant sur grand écran des lieux familiers de vie en guise de décors. Y apparaissent aussi les textos en cascades, les vidéos prises à la sauvette, les photos plus ou moins trafiquées. Et les bips des notifications scandent le temps, de plus en plus précipitamment, sur les téléphones portables.
La troupe a choisi le réalisme des rôles de composition pour incarner avec une généreuse conviction les personnages adolescents ou adultes. Elle facilite ainsi la démonstration et l’identification. Ce qui, combiné avec le premier degré des décors projetés, enlève cependant toute possibilité allégorique et, par conséquent, le passage mental d’une anecdote particulière à la généralisation du propos vers toutes formes de harcèlement.
Mais il est vrai que la compagnie se prête ensuite au jeu du théâtre-forum, grâce auquel des intervenants issus du public viennent rejouer quelques séquences clés avec les comédien(ne)s pour indiquer des pistes d’actions à reporter vers la vie réelle, pour apporter des bribes de témoignages vécus.