Critique - Jeune Public - Bruxelles
Les enfants d'Amazi
En régions de la disette
Par Michel VOITURIER
Fruit d’une collaboration entre le Théâtre Papyrus (Belgique), l’Ishyo Arts Centre (Rwanda), Full Fun et le Théâtre les Bambous (Ile de la Réunion), cette pièce est la mise sur scène d’une fable écologique. La trame en est un conte aux allures plus ou moins conventionnelles avec son lot de rebondissements, ses éléments magiques, sa portée symbolique.
Cela commence par la soudaine disparition de l’eau dans la région des Grands Lacs, territoire des protagonistes. Il convient donc d’enquêter afin de comprendre le pourquoi de cette disparition du liquide sans lequel il n’y aurait pas de vie sur cette planète. Au fil des découvertes, les indices mènent à des péripéties diverses qui conduisent à visiter les lieux, à recourir à des pratiques rituelles, à mieux connaître la mentalité locale.
La narration est agrémentée de chants, de danses, de musiques dynamisant le jeu corporel. Les personnages sont des comédiens, des musiciens, des marionnettes, c’est-à-dire un mélange de personnes vivantes en actions et de pantins à animer. L’intrigue est parsemée de signes scéniques propres au théâtre, stimulants pour l’imaginaire, créateurs d’images susceptibles de passer du réel quotidien à sa portée symbolique.

Dès le prologue, le public est incité à participer par l’intermédiaire d’un chant traditionnel qui l'entraîne à pénétrer sur l’endroit du jeu dramatique. Il doit alors passer par la traversée d’une citerne vide puisque abandonnée par le liquide qu’elle contenait. Il sera confronté à une scénographie inventive qui métamorphose les accessoires en éléments de fiction, conjugue métaphores et métonymies visuelles..
Ainsi le village est-il représenté par des huttes miniatures dans lesquelles un gobelet évoque l’eau à boire, à verser, à conserver autant qu’il simule les autochtones qui les habitent. Incarnant une divinité aquatique, un tissu bleu se convertit – c’est devenu une sorte de rituel depuis les leçons de Brecht – en lac ou en cours d’eau, vagues et remous compris. Une vasque sera alors une embarcation navigant à son aise sur cette surface mouvante.
Un travail corporel amène les acteurs à figurer une forêt. Un mime auquel la salle est associée récolte les larmes individuelles qui serviront à une collecte de liquide collectif. Une chorégraphie s’élabore qui hasarde la pratique très anticapitaliste du troc. De signe scénique en signe scénique, la fable accomplit son objectif : rappeler le risque de changement climatique et la nécessité de considérer l’eau en tant que bien universel et non marchandise, inciter à l’économie au lieu du gaspillage, se solidariser plutôt que s’affronter, renouer avec les valeurs sociales de base et conserver parmi les coutumes ancestrales celles qui aideront à éviter les dérives d’un progrès trop anarchique et trop rapide.