Critique - Jeune Public - Mons
Fracasse
Évasion par l'imaginaire d’une prison tortionnaire
Par Michel VOITURIER
Pour exprimer cette oppression et cette révolte, La Sarbacane Théâtre a choisi les moyens du théâtre action : elle ne joue pas sur un plateau. Elle joue au milieu du public qui est invité à se répartir sur de petits meubles en bois (bancs individuels ou collectifs, tables) dispersés dans l’espace et susceptibles d’être déplacés, modulés, agencés selon les besoins de la représentation.
Nous sommes au théâtre. Nous allons voir des comédiens jouer des rôles. Certains d’entre nous serons d’ailleurs sollicités par les acteurs pour incarner, ne serait-ce que durant un bref moment, des personnages de fiction. Ceci constitue déjà une façon positive de montrer ce qui différencie le jeu de la réalité.
Car les comédiens ne sont que trois pour jouer une série de personnages. Ils n’ont pas besoin de décor réaliste pour que chacun imagine le lieu du récit. Ils n’ont pas non plus besoin de costumes d’époque. Ni même de leur identité pour qu’une fille joue un garçon ou vice-versa. Seulement quelques accessoires pour aider à retrouver des éléments concrets ou suggérer des symboles.

La mise en scène est nerveuse. Les déplacements dans l’espace sont fréquents. Le corps s’implique dans les gestes, les actes. Ainsi montrent-ils les intervenants de l’histoire qu’ils racontent. Les gosses abandonnés par leurs parents, la directrice impitoyable de l’institution et quelques autres. Ils deviennent aussi, après qu’ils ont volé le roman du « Capitaine Fracasse », le trio important (Azelan, Basque et Fracasse lui-même) qui aspire à un monde différent alors qu’ils n’ont pas le droit de s’amuser, de se distraire, d’espérer.
En divisant leur spectacle en trois parties (la misère – l’amour – la mort), les comédiens résument la vie de chacun. Ils montrent qu’elle n’est pas toujours équitable, que nous avons besoin de rêve et d’idéal, qu’il faut résister contre les oppressions, qu’entre les épreuves chaque être peut grandir et mûrir, que la vie n’échappe pas à la mort. Il apparaît donc qu’il n’y a pas de fatalité mais que la culture ouvre vers des univers nouveaux, qu’elle aide à oser les actes qui permettent de progresser.