Critique - Théâtre - Avignon Off
Antioche
Antioche, des filles "en criss"
Par Camille SAINTAGNE
La première est Antigone qui donne de la voix 2500 ans plus tard. On retrouve avec plaisir le ton frondeur de Sarah Laurendeau que j'avais découverte dans l'excellent Table rase à l'Espace libre (Montréal). Ce jeu direct qui faisait déjà sa force en 2016 se mue ici en une présence simple et brute qui est indispensable, garante du rire et du contre-point dans ce spectacle aux thématiques graves.
Face à elle, deux Antigones des temps modernes, Inès et Jade, mère et fille, cherchent à donner sens à leur vie, errant dans deux univers parallèles au sein de leur bungalow morne et gris en périphérie urbaine. Entre-aperçue de manière fugace dans En attendant Godot de François Girard au Théâtre du Nouveau Monde, Mounia Zazham prend en charge une partition plus consistante ; adolescente en colère dont la liste des choses qui la mettent "en criss" croît au fil des jours : l'obsolescence programmée, les produits apple, le sucre, sa mère, l'idée de devenir comme sa mère...
Antioche enregistre ce passage entre la colère et la radicalisation. Cette radicalisation peut être religieuse mais elle est avant tout montrée comme puisant sa source dans une colère universelle, propre à la jeunesse. L'écriture serrée de Sarah Berthiaume reste inventive et adroite dans la continuité de sa pièce "maîtresse" Yukonstyle.