Juvénile, toujours sur le fil, mais pas bricolé, encore moins improvisé. Et sans se prendre le moins du monde au sérieux. A 57 ans, Philippe Decouflé, grand amateur de BD, de comédie musicale, de bals populaires et d’ombres chinoises, persiste et signe un spectacle ludique et joyeux, crânement intitulé Solo mais pas du tout solitaire tant il entraîne le public dans sa compagnie. En une heure chrono il enchaîne, en se jouant, des numéros qui jalonnent toute une vie d’amour et de partage de la danse.
Il est effectivement seul sur le plateau de Chaillot mais, grâce à un ingénieux dispositif quasiment invisible sur scène, il se retrouve démultiplié en deux, trois, quatre exemplaires … sur un écran placé derrière lui. Parfois cela va jusqu’à l’infini dans des mises en abymes vertigineuses, grâce aux vidéos filmées en live et/ou enregistrées par Olivier Simola. Dialogue avec les images mais aussi avec la musique, servie sur scène par l’autre comparse, le musicien Joachim Latarjet, qui manie le saxo et bien d’autres instruments.
Kaléidoscope délirant
Même s'il s'avoue en proie au doute, tout lui est bon à chorégraphier dans son propre corps. A commencer par les extrémités, doigts et orteils, prétextes à de virevoltants numéros en gros plans. Tantôt il puise son inspiration dans les ballets très graphiques, surréalistes en diable, d’Oskar Schlemmer, chorégraphe du Bauhaus, sur fond de figures géométriques aux couleurs franches sur lesquelles il se projette et se fragmente. Tantôt, il s’envole vers Hollywood et les étourdissants ballets nautiques de Busby Berkeley des années trente où il est à lui tout seul toute une ribambelle de naïades s’ébattant dans l’eau. Tantôt encore, son corps s'éparpille en mille éclats dans un kaléidoscope délirant.
Mais il nous touche surtout lorsqu’empruntant la gestuelle des sourds-muets il mime la vieille chanson de Bourvil « Le Petit bal perdu ». Pas perdu pour tout le monde. On en redemande.