Grâce à un petit guide pratique très explicite*1 de Edward Bernays publié en 1928 aux USA, l'homme et le penseur-théoricien (et surtout grand manipulateur) sera dévoilé, lui, et ses stratégies & techniques de "persuasion des masses", soit les bases de "l'une des industries les plus florissantes de notre époque, les relations publiques". Un homme discret mais un parcours de vie peu banal, un résultat global magistral !
Bernays (né en 1891 en Autriche et mort en 1995 en Amérique), neveu de Freud, est fort bien personnifié en la personne de l'acteur Achille Ridolfi et il se confie volontiers, s'adresse au public, bonhomme et sympathique. Il se penche sur le bien-être de chaque "moi" présent. Lui qui fut d'abord agent artistique et producteur de théâtre, sait parler aux foules. Mieux, il a perfectionné son art de la séduire, cette "foule sentimentale"...
Devenu publicitaire, il a réussi en 50 ans, à infiltrer des milieux divers, politiques (CIA) et capitalistes, et à fonder une véritable entreprise pour systématiser des techniques à partir des acquis de la psychanalyse du tonton Freud, et cela sous couvert de... démocratie. Pourtant, il n'a pas hésité pas à proclamer:"le choix des masses étant déterminant, ceux qui parviendront à les influencer détiendront réellement le pouvoir".
Il a été ce qu'on appelle aujourd'hui un "spin doctor", soit "un conseiller en communication et marketing politique agissant pour le compte d'une personnalité politique, le plus souvent lors de campagnes électorales". L'apport des projections vidéos d'Aude Esperandieu et Guillaume Hennebicq s'avère ici pertinent, ce sont des preuves à l'appui des dires de Bernays, et les reflets actuels de son héritage publicitaire.
La harangue de Bernays rappelle furieusement les célèbres déclarations d'un fidèle "disciple", Patrick Le Lay (PDG de TF1 en 2004) convaincu que "pour qu'un message publicitaire soit perçu, il faut que le cerveau du téléspectateur soit disponible. Nos émissions ont pour vocation de le rendre disponible : c'est-à-dire de le divertir, de le détendre pour le préparer entre deux messages"...
La Pub ? De la Propagande Utilitaire Banalisée...
Alors, dans le même sac: "médiamensonges"*2, fake news, hoaxes, lobbies, marketing, influenceur/e/s, twitteur/e/s, youtubeur/e/s... toutes ces formes modernes de conditionnement que n'avait pas imaginées (faute de temps) Bernays, le pape de la Manip' ?
La forme du spectacle est elle-même mise en question grâce à l'émission parodique "Une Nuit avec Michel", "un direct" en captation au théâtre... une "conférence télévisuelle augmentée", comme l'appelle le metteur en scène Vincent Hennebicq qui en a écrit les dialogues.
Un animateur-vedette, Michel/Julien Courroye, flanqué de sa comparse, animatrice et "chauffeuse de salle" Kiki/Eline Schumacher, mettent en pratique les conseils de ce bon "docteur", comme il tient à se faire appeler. Edward Bernays est l'Invité du Jour et va se plier de (très) bonne grâce aux questions de Michel (du moins quand elles ne révèlent pas certains aspects de sa vie privée).
Et le public, quelque peu averti cependant, "marche à fond", répondant docilement aux injonctions de Kiki d'applaudir, de rire, ou de huer, selon les moments. Il y aura, bien sûr, des "plages de pub", ainsi que des séquences du genre "La Minute Animalière", pour pimenter le show qui en rappelle beaucoup d'autres sévissant sur toutes les chaînes de télévision actuelles.
Et voilà que le piège a bien fonctionné, une fois encore... "Vous êtes chauds ?" lance Kiki aux spectateurs, ou bien quelque peu refroidis par l'implacable démonstration ? Et, qui sait, rendus songeurs ?