« Pas de sexe, pas de solo ». Sous ce titre est diffusé à l’entrée du Théâtre de la Bastille un tract signé d’un Collectif qui reprend une lettre ouverte de vingt collaborat.eurs.rice.s de Jan Fabre accusant l’artiste, chorégraphe et metteur en scène anversois d’humiliations et intimidations sexuelles qui ont entraîné leur démission. Dont Tabitha Cholet qui devait interpréter The Generosity of Tabitha, le solo donné actuellement dans ce théâtre mais désormais attribué à un homme sous le nom de The Generosity of Dorcas (Dorcas étant le nom grec de Tabitha). Refusant de se substituer au juge qui traite l’affaire, Jean-Marie Hordé, le patron de la Bastille, a décidé de maintenir la programmation de la pièce affichée jusqu’au 31 janvier et s’en explique dans un texte adjoint au programme.
Qui est cette Dorcas ? Une des (rares) disciples féminines de Jésus dans la Bible (Actes des Apôtres), qui distribuait des vêtements aux pauvres et qui fut ressuscitée par l’apôtre Pierre. Une figure de la générosité donc, incarnée par le danseur italien Matteo Sedda, silhouette bien en chair, sans rien d’androgyne, dont la moustache, la gestuelle de pantomime et les mimiques empreintes de douceur candide ne sont pas sans rappeler Charlie Chaplin. Il est vêtu de plusieurs couches de tuniques noires et plissées qui virevoltent au gré de la musique de Dag Taeldeman, avec ses rythmes lancinants tout en batterie et guitare basse. De temps à autre, des bribes de texte dit en italien par une voix off caverneuse commentent la danse.
Arche multicolore
D’un très bel effet, le décor est composé de rangées de fils de couleur qui pendent des cintres, terminées par des longues aiguilles effilées, à moins que ce ne soit des flèches acérées, le tout formant une immense arche multicolore, un arc-en-ciel sous lequel évolue le danseur qui alterne petits pas sophistiqués et grands jetés débridés conduisant à la transe.
Périodiquement, celui-ci attrape au vol une aiguille qui pend au-dessus de lui et la pique dans l’un de ses vêtements, formant comme une banderille volant au vent. Vêtement dont il se sépare habilement tout en dansant et qu’il dépose sur le devant de la scène dans un geste d’humilité à l’égard du public. A force de cribler son corps de ces flèches, il finit par ressembler à un Saint Sébastien et le solo dénudé se clôt dans un climax d’extase mystique.