Une typique famille américaine "middle class", ordinaire ou presque: les Goodman. Il y a Dan, le père, architecte/Hervé Lewandowski et Diana, la mère, femme-au-foyer/Virginie Perrier, Natalie, leur fille, une ado/Oonagh Jacobs et Gabe, un fils un peu... étrange/Jervin Weckx. Faisant pesque partie de cette famille: Henri, le petit ami de Natalie/Anthony Scott. Tous sont crédibles et convaincants et il y a même un petit air de famille pour unir les Goodman...
Et puis il y aura ces bons docteurs Fine et Madden/Mathieu Meunier... C'est qu'il y a nécessité d'intervenir médicalement pour la santé de Diana et le bonheur de tous car Diana est ce que l'on appelle de nos jours une personne "bipolaire", ou encore "maniaco-dépressive", souffrant d'un trouble de la personnalité, bref un être fragile qui ne se console toujours pas, seize ans après, d'avoir perdu un tout jeune enfant.
Elle va subir plusieurs traitements allant de la prise de médicaments (la "pharmacothérapie"), en passant par l'hypnose, la psychothérapie, jusqu'à cet ultime TEC (traitement électroconvulsif ou lobotomie) qui affectera sa mémoire (un nouvel enjeu se profilant).
On pense à un grand classique littéraire et ciné-théâtral:"Vol au-dessus d'un nid de coucou", auquel un air ("N'ai-je pas vu ce film ?") fait clairement allusion. Au travers de l'histoire de Diana on perçoit la critique (mesurée) des soins médicaux qui lui sont apportés... Pas de jugement d'aucune sorte, le spectacle pose les questions mais laisse le débat ouvert.
Un autre air de Diana laisse à penser qu'elle éprouve également beaucoup de nostalgie et un certain mal-être à être séparée de son milieu d'origine ("Mes montagnes me manquent"). Mais on retrouvera aussi la glorification des liens familiaux: même si la famille Goodman est en souffrance, elle fait face à la situation difficile de diverses manières qui sont décrites avec beaucoup d'empathie.
Dan se voudra le pilier central solide tandis que Natalie, outre les soucis de son âge, visera le perfectionnisme à l'école tout en reproduisant avec Henri, son amoureux, l'instabilité de sa mère. Henri finira par reprendre l'image-exemple de Dan, non sans difficulté...
"La vie (de famille) c'est plus marrant/C'est moins désespérant/En chantant" et en dansant !
Après un succès d'estime* et un succès de foule (700 représentations pour la production américaine et des tournées internationales: Asie, Australie, Amérique du Sud, Europe...) , il s'agit de la première adaptation en français par Damien Locqueneux, après de nombreuses autres langues de "Next to Normal"("A Côté de la Normale"). Il faut en souligner la justesse, notamment pour les paroles des chansons qui - chose rare - respectent le phrasé et l'accent tonique du français, tant malmenés en "variétés" actuelles...
Malgré la gravité du thème, l'ensemble est traité avec finesse et dans un esprit positif de confiance en l'amour au sein de la famille même si l'on pourra reprocher un "final" un peu trop sentimental ("Que la lumière soit") et certaines longueurs et/ou redites.
Une belle énergie traverse tout le spectacle mené par une distribution franco-belge de haut niveau sous la direction de Damien Locqueneux, avec les chorégraphies de Nora Alberdi. Arnaud Giroud assure, lui, la direction musicale du groupe de cinq musiciens country-rock-pop... pour les très nombreuses compositions de Tom Kitt.
La scénographie de Noémie Vanheste a imaginé un décor unique sur deux plans en hauteur où plusieurs lieux d'action différents seront suggérés grâce à la lumière très efficace de Laurent Kaye.