Si le qualificatif d'avant-gardiste était encore de mode à l'ère des "performances" artistiques en tous genres, on l'appliquerait certes à Pierre Megos. Un aperçu de sa recherche, une "Vision" avait déjà été offerte au public, notamment au Théâtre des Doms en Avignon* après une toute première expérience: "12 Works". Voici son troisième projet de "théâtre-cinéma", un terme qui ne recouvre pas entièrement ce que le "genre" inédit, peut offrir de découvertes et prolongements...
Si l'on a pu qualifier ce spectacle hors catégorie de "homérique", ce n'est pas seulement parce qu'il est une référence claire à son auteur d'origine mais aussi parce qu'il en a gardé l'esprit dans une forme résolument actuelle ! Son héros, Ulysse/Odysseus, n'est pas moins combatif même s'il revêt des "avatars"ou "alias" bien différents ! Dix ans durant, Ulysse va errer sur des mers inconnues et faire des rencontres extraordinaires avant de retrouver sa terre natale (peut-on penser à une allusion au sort du migrant ?).
Le titre précédé d'un # annonce un mot-clé destiné à d'éventuelles recherches informatiques... Par un procédé technique dit "du fond bleu" ou "incrustation", Pierre Megos parvient à être dans le même temps, sur scène et intégré dans le film en cours de tournage et qui en montre ses coulisses.
Alors: "Heureux qui comme Ulysse a fait un beau voyage"?
Pour l'Ulysse de Pierre Megos, ce ne sera pas vraiment le cas, même s'il reste le personnage central, le héros de l'épopée. L'acteur Pierre Megos ne s'efface pas devant l'omniprésence de la technologie. Et même, il se multiplie. Il est à la fois Ulysse, Pierre et Mister Peter et il jongle avec les trois en fréquents allers-retours!
Pierre raconte les aventures tumultueuses d'Ulysse dont Mister Peter, metteur en scène en disgrâce, veut réaliser "le" film qui marquera son come-back à Hollywood, la cité-symbole de tous les rêves. Il a été éjecté du milieu du "movie-showbizz" pour un gros conflit avec le producteur le plus important, Mister Golstein (une histoire de femme et de sexe, l'allusion est limpide). A l'instar d'Ulysse, Mister Peter vivra péripéties et rebondissements dans son grand projet cinématographique, entre art et argent, défections et pouvoir... satire et onirisme.
Pierre Megos a une partenaire "de chair": Uiko Watanabe, d'abord pour une partie qui s'accompagne de la présence du smartphone, de celle de Skype (occupants importants de notre monde connecté) et il répond à une foule de personnages caricaturaux pour les parties virtuelles (que jouent nombre d'actrices et acteurs bien connus de la scène belge). Indispensables bien sûr, sur scène ou pas, tous les technicien/ne/s qui ont adhéré étroitement au projet: un très beau générique !
Le public est évidemment fasciné par la parfaite maîtrise du/des procédés et outils technologiques mais il reste partagé. Dans l'ensemble, s'il est intéressé par la démarche du chercheur, il se montre moins touché par le sens profond, le "message" de l'artiste, du créateur, se débattant dans un monde sans amour... L'Artiste, ce héros ?