Nous sommes en ville. Deux éléments visuels en attestent : un éclairage au sol en apparence de passage pour piétons, un banc de square. On y verra volontiers une valeur symbolique. Le passage piétonnier est ce lieu où on transite d’un trottoir à un autre, où on risque d’être fauché par un chauffard, où on est soumis aux règles du code de la route. Le banc public est l’endroit où on s’arrête pour méditer, se reposer, contempler la végétation d’un parc, rêver à deux en amoureux.
Cette conjonction du décor indique bien que cette chorégraphie sera une alternance entre le rigide de l’urbanisme et la liberté de la nature, entre le mouvement et l’immobilité. Au début d’ailleurs, de fréquents arrêts sur image viennent figer le temps et indiquer que Nono Battesti ne se cantonne pas au hip-hop mais a intégré des influences diverses tant en danse contemporaine que traditionnelle.
Une autre conjonction assure la cohérence du spectacle : l’adéquation entre la musique jouée en direct par Quentin Halloy (guitare, dobro, basse piano confetti), par Dyna B (basse) qui est aussi, grâce au chant, un lien supplémentaire avec les danseurs, Nono Battesti et Juliette Colmant. Porteuses de rythmes et d’émotions, les mélodies suscitent et dynamisent les corps au cours de ce projet ambitieux qui tente de mêler le réel et le rêvé, de suggérer à la fois un cheminement intérieur normalement invisible et une transmission active par la présence corporelle.
La création d’une sorte de partition lumineuse que signe Benjamin Struelens est pour une part importante dans l’impact des images engendrées sur le plateau par les danseurs qui ne cessent de varier les propositions gestuelles. Mais aussi par les deux autres partenaires qui ne demeurent pas statiques et s’associent au déroulement des séquences.
Peu importe qu’on trouve ou non un fil conducteur strictement narratif à ce spectacle. Ce qui importe c’est de s’être, en tant que spectateur, laissé fasciner par le côté visuel, pictural à la limite, pour s’associer aux rencontres entre les corps, aux séparations, aux croisements fugaces, aux approches et aux reculs, à la sensualité caressante ou à l’érotisme plus pulsionnel.