Ilyas Mettioui, après une petite mise en voix sympa et décontractée avec le public, commence son espèce de profession de foi : "Je suis né en Belgique, je suis donc Belge. Mes parents sont nés au Maroc et je suis donc Marocain. J’ai vécu au Mexique pendant presqu’un an, du coup je suis Mexicain. Même si je n’ai jamais été aussi belge qu’au Mexique...etc." Il donne le ton du spectacle: humour, dérision, qui n'excluent pas la réflexion sérieuse en profondeur. Du reste aucune "exclusion" ne sera de mise, exit tous les tabous !
Et puis, l'acteur, après son adresse au public, rejoint le premier rang de spectateurs pour poser LA question à laquelle vont tenter de répondre ses partenaires de jeu: "C'est quoi être Belge ?". "Issu de l'immigration", né en Belgique, c'est pour lui un questionnement particulier.
À Bruxelles, il y a un terme local pour désigner ce que l'habitant lambda est souvent en réalité : "belge, oui mais non...zinneke !", ce qui s'applique normalement à un chien bâtard. Terre d'accueil et de passage de Dominants avant sa création en 1830, elle a vu se succéder les accueils et migrations, les rejets et moqueries également. Le Maroc, ou l'Italie d'abord, peuvent fêter des dizaines d'années d'installation sur le sol belge.
Mais les échanges ne vont pas se limiter à une nationalité, ou aux guéguerres internes belgo-belges, il sera question de genre : le masculin/féminin qui est en nous, de différences sociales ou d'apparence physique, et de bien d'autres choses à déterminer, à identifier... de quoi pouvoir "décliner son identité" ? Le titre de la pièce indiquerait qu'on est susceptibles d'en avoir plusieurs !
Quel costume allons-nous endosser pour signifier ce que nous sommes ou voulons être/paraître à notre entourage ? Mais qui sommes-nous vraiment ? Vieil adage, le "connais-toi toi-même" est toujours de mise à chaque nouvelle génération qui a pour tâche de se construire. Alors le costume pourrait bien être celui d'Arlequin, ou d'un caméléon. "Je" est multiple, à facettes, il serait vain de lui coller une seule étiquette...
Le collectif Boréal - Bruno Borsu, Martin Goossens, Zoé Janssens, Taïla Onraedt, Alex Moyroud et Pauline Goerger - est entraîné dans cette aventure de création en commun par l'acteur-metteur en scène Ilyas Mettioui. Tous ces jeunes artistes venant d'horizons artistiques différents, ont participé à des spectacles très variés, mais ils avaient envie (besoin ?), d'exprimer, d'affirmer, leur personnalité davantage peut-être...
En effet, chacune et chacun a suivi sa propre démarche, sincère et engagée, tout en donnant une forme homogène au spectacle, multidisciplinaire, qui s'appuie sur une documentation revue et assimilée pour créer de la fiction. Malgré les graves questions de société qui se dessinent en fond - la montée des nationalismes, la peur de "l'Etranger"...- l'ensemble reste léger, joyeux et optimiste.
Depuis 2013, ce spectacle a déjà beaucoup tourné et continue à le faire. Le revoici au Centre Culturel Espace Magh. La belle phrase d'Albert Jacquard que ce haut lieu d'accueil aux cultures du Maghreb, méditérranéennes, minoritaires... a mis en exergue et adopté en devise: "La fraternité a pour résultat de diminuer les inégalités tout en préservant ce qui est précieux dans la différence", s'avère une fois encore bien appropriée !