Critique - Jeune Public - Huy
L’accueil d’Ismaël Stamp
De la baleine de Jonas à Zanzibar la merveilleuse
Par Michel VOITURIER
D’entrée de jeu, il est clair que ce ne sera pas du théâtre au sens traditionnel du terme. L’éclairage du plateau est celui, polychrome, d’un chanteur de variétés ou de rock. Le matériel étalé sur les planches est celui de musiciens doublés d’ingénieurs du son. La représentation commence à la façon d’un récit mis dans la bouche d’un conteur.
Ce que Pieter De Buysser définit comme des « récits voltigeants » sont poétiques, non pas dans le formalisme rimailleur des rappeurs, mais bel et bien parce qu’ils existent en tant que texte à portée symbolique, parce qu’écrits dans une langue riche en sonorités et en images qui préfère l’irrévérence à la provocation. Leur héros, Ismaël Stamp, comme Jonas à qui son origine s’apparente, sort d’une mythologie biblique pour entrer dans l’imaginaire de notre temps.
La trame de l’histoire ne craint pas les invraisemblances, l’imagination sans bride, les accommodements avec une logique qui lui est propre. L’environnement narratif, par contre, est celui bien réel du déséquilibre écologique, de l’immigration clandestine, de la disproportion économique entre pays et continents, des doctrines sécuritaires, des catastrophes annoncées. Pour son tour du monde, il s’embarque aussi du côté de la mort acceptée comme conclusion normale de la vie, du côté des puissants coupés de la réalité quotidienne des citoyens ordinaires

Deux fortes personnalités
Jean-Bastien Tinant narre et chante en étant habité par les mots. Il a la conviction chevillée à la voix et passe du verbe lyrique à la prose descriptive ou aux couplets avec la même évidence. Il maîtrise un travail de comédien autant que de chanteur pour porter un message lucide sur notre dégradation vitale et morale mais débouchant sur la vie. Un message qui se lit à travers les phrases défilant sur des écrans.
Daniel Bajoit a composé des musiques qui ont oublié la démagogie des décibels forcenés qui sont l’apanage de concerts sacrifiant aux manipulations du marché laissant croire aux adeptes du MP3 que la puissance sonore est gage de qualité musicale. Elles ont des violences rock mais aussi des mélodies plus nostalgiques ; elles ont des emprunts à des éléments que les compositeurs électroacoustiques contemporains ont rendus familiers.